Agent immobilier : l’obligation de conseil est étendue
Le mandataire est tenu d’un devoir de conseil à l’égard de son mandant, propriétaire vendeur, sur la nécessité de porter une information essentielle à la connaissance des futurs acquéreurs et du risque d’annulation de la vente pour dol s’il s’y refuse.
Inlassablement, la Cour de cassation rappelle que le mandat donné à un agent immobilier ou à un administrateur de biens comporte une obligation exigeante de conseiller le client sur la légalité mais aussi sur l’opportunité de l’opération qu’il envisage (v. l’étude « Administrateur de biens et agent immobilier », n° 342). Dans la décision ici commentée, la Haute juridiction franchit, peut-être, un pas supplémentaire car elle impose à l’intermédiaire de mettre en garde le mandant contre lui-même ! Plus précisément, deux époux ont vendu leur bien immobilier par l’entremise d’une agence en dissimulant aux acquéreurs l’existence d’un projet de construction d’une rocade à proximité.
La vente ayant été annulée, les vendeurs ont recherché la responsabilité de l’intermédiaire mais la cour d’appel a rejeté leur action aux motifs qu’ils n’avaient aucunement besoin du conseil de l’agent immobilier pour se rendre compte que leur silence délibéré trompait leurs contractants et que le professionnel de l’immobilier ne pouvait agir contre leurs intérêts et contre leur volonté de dissimuler ces éléments en diffusant ce qu’ils ont précisément voulu cacher. En somme, les vendeurs ont omis de faire part aux acquéreurs du projet de rocade et ils en avaient parfaitement conscience. Le conseil que pouvait leur donner l’intermédiaire mandataire serait allé à l’encontre de leur réticence dolosive.
Néanmoins, la Cour de cassation casse l’arrêt parce qu’il incombait à l’agent immobilier, tenu d’une obligation de conseil, d’informer ses mandants de la nécessité de porter à la connaissance des acquéreurs l’état d’avancement du projet de rocade. Elle s’appuie sur la violation de l’article 1147 du code civil, texte général relatif à la responsabilité contractuelle et qui ne vise pas expressément le devoir de conseil. Aujourd’hui, le devoir d’information est rentré dans le code civil et l’article 1112-1 énonce que « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».
Le texte de cet article précise qu’un manquement à ce devoir d’information, outre la responsabilité de celui qui en était tenu, peut entraîner la nullité du contrat. A cet égard, l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a entériné la jurisprudence de la Cour de cassation.
Cass. 1re civ., 9 janv. 2019, n° 18-10.245, 27 D
Olivier GÉDIN
Avocat au Barreau de Paris
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