La reprise d’un bail commercial souscrit pour le compte d’une société en formation doit être expresse
Il est connu de tous que les sociétés commerciales ne jouissent de la personnalité morale qu’à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés (Art. L. 210-6, al. 1 du Code de Commerce) : par voie de conséquence, une société en formation ne peut pas conclure des actes, de quelque nature que ce soit, avant son immatriculation.
En pratique, il est pourtant incontournable pour une société en cours de constitution de conclure des contrats et souscrire des engagements (ouverture de compte bancaire, achat de matériels…).
La conclusion d’un bail figure parmi ces contrats incontournables, la justification d’un local étant requise par le Greffe pour permettre l’immatriculation de la société auprès du Registre du Commerce et des Sociétés.
Pour contourner cette difficulté, deux solutions existent :
- La plus sage: obtenir une autorisation de domiciliation du bailleur qui permettra d’immatriculer la société et de signer le bail commercial directement au nom de la société ;
- La plus risquée: en cas de refus du bailleur, le bail commercial est alors souscrit par les associés fondateurs de la société en formation ; ils engagent alors leur responsabilité et sont tenus indéfiniment et solidairement des conséquences des actes ainsi accomplis.
Or, dans la seconde hypothèse, les associés considèrent que l’immatriculation de la société au Registre du Commerce et des Sociétés emporte de facto la reprise des engagements souscrits, donc du bail…
Erreur !
La ratification d’un bail commercial (ou d’un acte) souscrit pour le compte d’une société en formation n’est valable que si elle emprunte l’une des trois modalités de reprise prévues par le code de commerce.
Elle ne peut en aucun façon être implicite et résulter d’un comportement procédural constant et non équivoque de la société en qualité de locataire ou du bailleur.
Or, très souvent, pris par le lancement d’une activité, les associés oublient de respecter le formalisme légal, exposant la société locataire à de graves conséquences.
Aux termes des dispositions des articles L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce, toute personne ayant agi au nom d’une société en formation demeure responsable des actes ainsi accomplis jusqu’à leur reprise par la société postérieurement à son immatriculation : cette ratification ne peut en aucun cas être implicite, ce que rappelle la Cour de cassation dans sa décision du 20 février 2019, n° 17-14.242.
Cette décision de la Cour de Cassation permet ici de rappeler que la reprise d’engagements souscrits pour le compte d’une société en formation ne peut résulter que de la mise en œuvre de l’une des trois modalités suivantes :
- Soit la signature par les associés des statuts auxquels est annexé un état détaillé des actes accomplis pour le compte de la société,
- Soit la conclusion d’un mandat donné par les associés avant l’immatriculation de la société à l’un ou plusieurs d’entre eux ou au gérant non associé, et déterminant, dans leur nature ainsi que dans leurs modalités, les engagements à prendre,
- ou l’adoption, par les associés postérieurement à l’immatriculation de la société, d’une décision à la majorité requise par les statuts.
Attention à ne pas confondre les actes passés par la société en formation et les actes passés par les associés pour le compte de la société en formation. Le contrat passé directement par une société avant son immatriculation, c’est à dire par une société dépourvue de toute personnalité juridique est frappé de nullité absolue : il ne peut pas être confirmé ou ratifié par un acte d’exécution postérieur à l’immatriculation et le cocontractant de la société peut invoquer sa nullité. Solution constante de la Cour de cassation.
Il convient donc d’être très précis dans la rédaction d’actes à conclure au nom et pour le compte d’une société qui n’est pas encore immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés.
Olivier GÉDIN
Avocat au Barreau de Paris
7, avenue Franklin D. Roosevelt
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